TEMPIO
par Alberto La Marmora
Itinéraire de l’Ile de Sardaigne
Turin 1860
Chez les Frères Bocca, Libraires du Roi
en italien:
Cette ville, de fraîche date, est placée dans une espèce de plaine ondulée, au pied du gigantesque groupe du Mont Limbara; on l’appelait jadis Villa Templi et plus anciennement près de là se trouvait la station Romaine de Gemellas d’où est venu peut-être le mot de Gemini donné à cette région. Ce n’est que depuis une trentaine d’années que le village de Tempio fut mis, avec ceux d’Ozieri et de Nuoro, au rang des villes de la Sardaigne.
Il faut dire cependant que c’était déjà depuis bien longtemps le siège d’un évêque, de l’intendant de la province, d’un commandant militaire, et d’un tribunal local, et que malgré son nom de village on l’a toujours considéré depuis deux siècles comme le chef-lieu de toute la grande région de Gallura.
J’ignore si depuis que les habitants de Tempio sont devenus citoyens d’une ville, ils ont conservé la mode de se vêtir qui leur était à peu près particulière; les femmes surtout avaient un costume remarquable que j’ai décrit et figuré dans la première partie de ce Voyage. J’ai également décrit et figuré dans cette même partie, la scène d’une réunion dé femmes pour carder la laine, dite Graminatorgiu, qui a un cachet tout particulier.
Les maisons de Tempio sont toutes construites en dalles, où plutôt en parallélogrammes allongés de granit, que l’on fend régulièrement avec des coins en fer; ces pièces sont posées une sur l’autre et à peine liées ensemble par un mortier fait d’une argile tenace, et fort rarement par de la chaux, car cette substance a coûté très-cher jusqu’à présent, puisqu’il a fallu la faire venir de fort loin à dos de cheval: en effet, les seuls endroits de toute la Gallura où la nature ait placé la pierre calcaire sont le promontoire de Figari et l’île de Tavolara; elle est excellente comme ciment, mais elle est éloignée de Tempio de 50 kilomètres, qu’il faut parcourir par des chemins affreux, jusqu’ici impraticables aux chariots et à peine bons pour les chevaux du pays. On tire aussi de la chaux de l’Anglona, ou plutôt du village de Sedini, mais elle est de qualité inférieure, et le transport en est encore difficile et coûteux. Au reste, les constructions dont il est question sont très-solides, seulement les maisons ne sont pas blanchies au dehors, ce qui serait peine perdue, car la chaux du badigeonnage ne fait pas prise sur le granit, et à la première grosse pluie tout est enlevé.
Cela fait que les maisons de Tempio présentent au dehors un aspect tout particulier, mais un peu massif; cet aspect massif, est augmenté par de lourds balcons en bois, qui surplombent dans les rues.
Tempio est bien fourni d’eau; comme celle-ci traverse un sol purement granitique, elle ne s’imprègne pas de substances salines, et par conséquent elle est saine et excellente; ces sources viennent en grande partie du pied de la grande montagne voisine.
Pendant le commencement du repas un des jeunes laïques monta sur une chaire pour faire la lecture, et bientôt j’entendis ces paroles du Nouveau Testament attribuées à S. Pierre: “Per totam noctem laborantes, nihil cepimus” (S. Luc, chap. V, vers. 5).
Ce cas étant précisément le mien, ma mauvaise humeur se dissipa, et je partis d’un grand éclat de rire qui fut partagé par mes graves commensaux auxquels j’avais fait part de l’insuccès de ma course.
J’ai souvent essayé de découvrir, au lever du soleil, la côte et les monts de l’Italie, mais ce fui en vain; tout ce que je pus apercevoir vers l’est, ce fut l’îlot de Monte Cristo.
C’est dans les rochers élèves du M. Limbara qu’habitaient les anciens peuples dits Balari, nom qui, d’après les auteurs, voudrait dire fugitifs.
SOURCES D’ILLUSTRATIONS
Cartes, dessins, peintures et lithographies du siècle XIX
Bartolomeo Pinelli, Costumes de Tempio, ca 1828, IN Raccolta di costumi italiani i più interessanti disegnati ed incisi da Bartolomeo Pinelli nell’anno 1828.
Giuseppe Cominotti e Enrico Gonin [dessin], A.J. Lallemand [gravure], Vêtements sardes en série – Tempio, ca 1826-1839, IN Alberto Della Marmora, Voyage en Sardaigne, ou Description statistique, phisique… Atlas de la première partie, 1. ed. Paris, Delaforest 1826; 2. ed. Paris, Bertrand – Turin, Bocca,1839.
Giuseppe Cominotti et Enrico Gonin [dessin], A.J. Lallemand [gravure], Graminatorgiu, ca 1826-1839, IN Alberto De La Marmora, Voyage en Sardaigne op. cit.
Fusils de Tempio, IN Giuseppe Sotgiu, I fucili di Tempio, Tempio, Accademia Popolare Gallurese G. Gabriel, 2012.
coll. Luzzietti, Tempiesi, ca 1795-1805, IN Francesco Alziator, La collezione Luzzietti: raccolta di costumi sardi della Biblioteca universitaria di Cagliari, De Luca 1963, Zonza 2007.
Alberto de La Marmora, Carte démonstrative de triangolazion 1835-1838, IN Alberto de La Marmora, Viaggio in Sardegna, a cura di Manlio Brigaglia, Nuoro, Archivio Fotografico Sardo, 1997.
Cartes postales et photos, fin du 19ème / début du 20ème siècle
Collection Erennio Pedroni, Gianfranco Serafino, Vittorio Ruggero – Tempio Pausania
Photos contemporaines
Antonio Concas – Flickr; Alessandro Penduzzu – Flickr; Salvatore Solinas – Flickr; Matteo Aisoni – Flickr; Salvatore Carta – Instagram; Giacomo Calvia