ROUTES – CHEMINS DE FER – PORTS
EN SARDAIGNE A LA FIN DU XIXe SIÈCLE
NOMBRE ET TONNAGES DE NAVIRES – INSCRIPTION MARITIME – RECAPITULATIF DES SERVICES POSTAUX –
LIGNES DE VAPEURS
IN
LA SARDAIGNE A VOL D’OISEAU EN 1882.
Son histoire, ses meurs, sa géologie ses richesses métallifères et ses productions de toute sorte ⇒
par le Baron Eugène Roissard de Bellet ⇒
Paris, Librairie Plon, 1884
du CHAPITRE III
ROUTES – CHEMINS DE FER – PORTS DE SARDAIGNE
NOMBRE ET TONNAGE DES NAVIRES – IMMATRICULATION MARITIME – RÉSUMÉ DES SERVICES POSTAUX – LIGNES DE VAPEUR
Routes.
Les villes et villages principaux qui figurent aux tableaux ci- dessus sont mis en communication entre eux au moyen de routes nationales, provinciales, et quelques-uns par des chemins de fer.
ROUTES NATIONALES
Les routes provinciales les plus importantes sont les suivantes:
1 ° – De Cagliari à Pula, en longeant le côté ouest du grand golfe: distance, 28 kilomètres et demi. Cette ligne doit être prolongée sur Teulada et aboutir à Port Palmas.
2° – De Cagliari à Iglesias, par Siliqua, desservant les communes d’Assemini, Decimomannu, Domus Novas, avec un parcours de 55 kilomètres. Cette route longe en grande partie la ligne du chemin de fer que nous mentionnerons dans un instant.
3° – De Cagliari à Oristano. Sur ce trajet, il existe deux routes provinciales, l’une qui emprunte jusqu’à Monastir la portion de la route nationale du centre, puis dessert Nuraminis, San Luri, Sardara, Uras, 92 kilomètres. L’autre passe par Decimomannu, est commune jusque-là avec celle d’Iglesias, puis se dirige sur Villasor, Gonnosfanadiga, Guspini et Terralba, 107 kilomètres.
4º – De Cagliari, une quatrième ligne monte droit au nord, à San Pantaleo, et se bifurque un peu plus loin vers l’est, pour aller à San Nicolò Ferrei, vers le nord-ouest, du coté de Senorbì. Coupant la route nationale du centre, elle se prolonge par Guasila, Ségariu, Villamar, Lunamatrona et Simaxis, jusqu’à Oristano. Son parcours est de 122 kilomètres 8 hectomètres.
5º – De Lanusei, une route provinciale passe le long du versant septentrional du Gennargentu, dessert Fonni, Mamojada, pour aboutir à Nuoro, 83 kilomètres.
6º – Plus au nord de l’ile, nous rencontrons une autre route qui de Bitti aboutit à Siniscola par Onanì et Lula, 54 kilomètres et demi.
7° – Une septième ligne, d’Oristano par Macomer et Torralba, va à Sassari, longeant en grande partie le tracé du chemin de fer et franchissant 124 kilomètres.
8° – Et finalement on peut d’Oristano se rendre sur la route nationale du centre par Simaxis, Fordongianus à Sorgono, parcourant 66 kilomètres.
Ce sont ce que nous nommerons les grandes lignes, parce qu’il existe des tronçons moins importants, comme celui
- De Sassari à Porto Torres, 19 kilomètres.
- D’Iglesias à Flumini Maggiore, 25 kilomètres.
- D’Arbus à San Gavino, par Guspini, 20 kilomètres 3 hectomètres.
- De Sorgono (route nationale du centre) à Abbasanta sur le chemin de fer de Sassari par Neoleni et Ghilarza, 49 kilomètres.
- De Lanusei à Barisardo, par Loceri, 20 kilomètres.
- Et finalement un petit tronçon pour desservir Ierzu, qui est placé entre la route nationale de l’est et celle du centre (embranchement de Serri à Tortolì) et en avant de cette ville.
Le long de toutes les lignes nationales et provinciales désignées ci-dessus, on a établi de distance en distance des maisons qui servent d’habitation au cantonnier chargé de l’entretien de cette partie de la route, et auxquelles on donne le nom de cantonnières. Elles servent encore de maisons de refuge par les mauvais temps et aussi d’auberges aux voyageurs que leurs ressources condamnent à voyager à pied.
Nous ajouterons que tous ces chemins ont été exécutés dans de bonnes conditions de viabilité et sont entretenus avec soin.
Il existe encore quelques lignes communales qui sont voiturables, comme celles de Cagliari à Sinnai et Maracalagonis, de Villacidro à San Gavino et Sardara; mais la plus grande partie des chemins vicinaux doit être parcourue à cheval, comme on le faisait dans toute l’île avant 1828.
La carte géographique annexée indique, par des traits pointillés, les chemins en voie de construction et les embranchements qui mettent en communication certaines villes ou villages importants avec une des grandes routes que nous venons de mentionner.
CHEMINS DE FER
Mais un progrès bien plus considérable s’est accompli en Sardaigne pendant ces dernières années, par suite de l’exécution d’un réseau de voies ferrées, qui se compose:
- De la ligne Cagliari-Iglesias, passant par Decimomannu et Siliqua, d’une longueur de 54 kilomètres;
- De celle de Cagliari-Oristano à Chilivani, desservant un assez grand nombre de stations que l’on trouvera dans le tableau ci- après, et parcourant la distance de 213 kilomètres;
- De deux embranchements partant de Chilivani, dont:
– l’un, se dirigeant vers le nord-ouest, dessert Sassari et se prolonge jusqu’à Porto-Torres; distance, 67 kilomètres; ce qui donne pour la distance totale, depuis Cagliari, 280 kilomètres.
– L’autre court vers l’est et aboutit, par Oschiri et Monti, à Terranova, distante de 93 kilomètres du point de bifurcation, et par conséquent à 306 kilomètres de Cagliari.
Tel est l’ensemble de ce réseau, aujourd’hui ouvert à la circulation sur 427 kilomètres et reliant entre eux les ports les plus importants de l’île, que nous indiquerons un peu plus loin;
– en outre, des Sociétés particulières ont créé, pour les besoins de leurs entreprises, trois tronçons de chemins de fer industriels:
- a) L’un, construit par la Société minière de Monteponi, met en communication Iglesias avec Port-Vesme, en face de l’île San-Pietro; il est la prolongation de la ligne ferrée nº 1 et relie Cagliari, par conséquent, à la côte ouest de l’île.
- b) L’autre appartient à la Société des mines de Montevecchio et vient aboutir à San-Gavino (ligne de Cagliari-Oristano Chilivani).
- c) La troisième, établie aux frais de la Société Petin, Gaudet et C, joint leur mine de San-Leone avec le petit port de la Maddalena, situé vers le fond ouest du golfe de Cagliari.
Nous fournirons quelques détails pour ces railways industriels au chapitre concernant les exploitations minières. Quant à ce que nous nommerons le grand réseau, voici en peu d mots quel en est l’historique:
La loi votée le 4 janvier 1863 avait déterminé les chemins de fer qui devaient former le réseau sarde, et accordait à la Société qui prendrait la charge de les construire et d’en assurer le service, une garantie d’un produit annuel net de «neuf mille francs par kilomètre de ligne ouverte, et lui abandonnait, à titre de subside, deux cent mille hectares de terrain frappé de droit de parcours et de vaine pâture».
Mais deux ans ne s’étaient pas écoulés depuis la promulgation de cette loi, que le gouvernement se trouvait en face de difficultés graves pour remettre à la Société les terrains cédés, parce qu’il avait oublié de faire voter la loi qui devait régler les droits appartenant aux communes et aux particuliers sur ces terrains frappés de servitude.
Des retards s’ensuivirent; et, lorsqu’à la fin de 1867 toutes les difficultés furent aplanies et qu’on voulut offrir à la Société les deux cent mille hectares promis, elle se refusa à les accepter. Le gouvernement la mit alors en demeure de reprendre les travaux, et celle-ci répondit par une demande reconventionnelle de dommages- intérêts pour les retards supportés, et en plus la résiliation du contrat de 1862, que la loi de janvier 1863 avait approuvé.
On avait espéré associer l’établissement des chemins de fer de la Sardaigne à la suppression des servitudes et à la culture desterrains frappés des droits de vaine pâture, et l’on avait abouti à créer des difficultés plus grandes et plus sérieuses encore.
C’est pourquoi une nouvelle convention fut passée entre l’État et la Compagnie, en mars 1868, dans laquelle, en échange de la rétrocession des deux cent mille hectares, il était stipulé que la garantie du produit net par kilomètre de voie en exercice serait augmentée, et que le réseau serait divisé en deux parties, en attribuant à chacune d’elles un délai plus ou moins long pour leur achèvement; mais la crainte que cette distinction ne fut envisagée comme une modification aux dispositions de la loi de 1863, qui voulait assurer le bénéfice des chemins de fer à toute la Sardaigne, et non à une portion seulement, fit rejeter cette convention; et c’est ainsi qu’on fut amené à celle de mars 1869, approuvée par la loi du 28 août 1870, aux termes de laquelle «la subvention kilométrique fut portée à douze mille francs», et sans rien modifier à la loi première de 1863 en ce qui concernait le réseau, la Compagnie s’engageait ferme à construire:
La ligne de Cagliari, par Decimomannu, à Oristano;
Celle de Decimomannu à Iglesias et le tronçon de Sassari à Porto-Torres;
Et conditionnellement le restant du réseau; à défaut, l’État s’obligeait directement à y pourvoir. Conformément aux engagements ci-dessus, les lignes que nous venons de désigner furent ouvertes à la circulation dès 1874; mais les autres, c’est-à-dire d’Oristano à Ozieri et Sassari et d’Ozieri à Terranova, soulevèrent de nouvelles difficultés.
La Société demandait que la garantie kilométrique fût fortement augmentée ou que l’État rachetât, au prix stipulé par la convention, la partie du réseau qui avait été construite; le ministère, en revanche, désirait éviter toute alternative qui aurait eu pour le budget des conséquences lourdes.
Il avait été, en effet, calculé que le prix du rachat basé sur la garantie de 12.000 francs, capitalisés à 100 pour 5, soit à raison de 240,000 francs par kilomètre, aurait exigé pour les 147 kilomètres construits la somme de 47,326,080 à laquelle il fallait ajouter pour le matériel fixe et roulant, d’après l’évaluation de la Société 2.577,900 fr..
Soit pour les lignes construites 49,903,980 fr.
Or, en évaluant la construction du complément du réseau à 240,000 francs par kilomètre, ce qui n’avait rien d’excessif, il fallait dépenser encore la somme de 44.160,000 fr.
Soit en totalité et à la charge du Trésor public. 94.063,380 fr.
Pour se procurer une pareille somme, le ministère d’alors avait compté qu’à 75 pour 100, comme taux de rente, il aurait fallu émettre un emprunt de 126 millions, qui auraient emporté la rente annuelle et perpétuelle de 6,300,000 francs.
En divisant cette rente par le nombre de kilomètres formant le réseau entier, on aurait créé pour l’État une charge de 16,460 francs par kilomètre en échange de ce qu’on aurait pu en retirer; or, pendant plusieurs années, le bénéfice kilométrique net ne pouvait avoir que peu d’importance.
Toute considération mûrement pesée, le gouvernement se décida, en 1877, à traiter à nouveau avec la même Compagnie, en élevant à 14.800 francs par kilomètre mis en exercice régulier, la garantie applicable à tout le réseau, à condition qu’hypothèque fût consentie au profit de l’État pour une somme de 50 millions sur les lignes construites et à construire, et que les dépenses d’exercice imputables sur la garantie kilométrique seraient réduites de 7,500 à 7,000 francs pour tout le réseau, et seulement à 6,000 pendant la construction des dernières lignes.
La Compagnie était autorisée à émettre des obligations pour se procurer les capitaux nécessaires; mais le gouvernement garantissait le payement des intérêts de cet emprunt. Toutefois, le versement des sommes provenant de l’émission de ces obligations devait se faire dans les caisses de l’État, pour être remises au fur et à mesure et en proportion du développement des travaux.
En somme, cette œuvre d’utilité publique fut mise sous le contrôle, la surveillance et la direction de l’État, et ne pouvait donc être garantie ni avec plus de sollicitude ni plus de sûreté.
Telles ont été les phases diverses que cette création importante a dû traverser et qui sont tout au long exposées dans le rapport présenté par M. le ministre des travaux publics et déposé sur le bureau de la Chambre des députés à Rome, dans la session de 1877.
Nous donnons ci-après, et dans un tableau spécial, les renseignements obtenus sur les routes nationales et provinciales, ainsi que sur les chemins de fer.
PORTS
Ports. — Dans tout pays tant soit peu civilisé, chacun connaît les avantages que les chemins de fer présentent et les services énormes qu’ils sont tous les jours appelés à rendre; mais qui ignore l’importance immense que revêtent les ports ? C’est par eux que la civilisation a couru à travers le globe, que le commerce et l’industrie se sont développés. Ce sont eux qui de tout temps ont exercé une influence considérable sur la prospérité des nations et des villes, ainsi que sur leur accroissement.
Sans les ports, aucune île ne communiquerait avec le continent, aucune navigation n’aurait été possible, et une grande partie des progrès accomplis n’auraient pas eu lieu. Ils sont pour ainsi dire l’âme du corps économique social, dont les chemins de fer sont les bras.
Nous signalerons donc les principaux ports de la Sardaigne, mais sans entrer, bien entendu, dans l’examen d’aucun des problèmes qui s’y rattachent; car outre qu’elles exigent des compétences très-élevées et très- difficiles, ces questions seraient en dehors du cadre de ce résumé.
Les ports et plages de l’île sont divisés en deux circonscriptions (1: Extrait de la Revue économique de la Sardaigne, de mars 1877, publiée à Rome):
Celle du sud ou de Cagliari, qui comprend:
à l’est – Cagliari. Muravera. Tortoli. Orosei. Siniscola.
à l’ouest- San Antonio. Carloforte. Oristano.
Celle du nord ou de la Maddalena, formée de:
au nord: Porto Torres. Castelsardo S. Teresa di Gallura. La Maddalena.
à l’est: Terranova Pausania.
à l’ouest : Bosa. Alghero.
En première ligne, nous avons placé le port de Cagliari.
A vrai dire, ce port ne consiste pas dans ce que l’on nomme la darse, qui ne peut contenir qu’un nombre restreint de navires dont la jauge ne doit pas dépasser les 500 tonnes (1: Les renseignements sur la darse seront fournis lorsque nous visiterons la ville de Cagliari), mais bien le golfe lui-même, qui, malgré ses vastes dimensions, offre un abri très-sûr, comme il a été dit à la fin du premier chapitre. Le commerce de ce port est alimenté principalement par l’exportation des matières suivantes: le blé, le bétail, le sel, les minerais, les bois, les vins et les peaux, et l’importation par les draps, les étoffes en laine et en coton, les soieries, les épiceries et autres.
Nous allons voir le mouvement auquel cet échange donne lieu, d’après les statistiques officielles dont la dernière que nous ayons sous les yeux est en date de 1875.
Pendant l’année en question, la navigation internationale à voile ou à vapeur s’est composée de 690 navires jaugeant et le cabotage 1.826 navires jaugeant Ensemble 2.516 navires jaugeant 210,916 tonnes. 293.840 tonnes, 504.756 tonnes, qui se répartissent d’après les états suivants: A, B, C et D.
Pour compléter la situation des voies et moyens de communication, on trouvera dans le tableau ci-dessous les distances en milles de Cagliari aux principaux ports de l’ile, et la distance entre ceux-ci, les grands ports de l’Italie et celui de Marseille.
La plus grande partie de ce mouvement, spécialement pour les bateaux à voile, se fait en rade, et il ressort des tableaux ci-dessus que, parmi les navires étrangers, ceux qui battent pavillon du nord de l’Europe (Russie, Suède et Norvége) sont les plus nombreux. Ils y sont attirés par la grande saline de Cagliari, dont nous aurons plus tard occasion de parler, où ils viennent s’approvisionner de sel pour parer à la grande consommation qui en est faite dans leurs pays respectifs. Il est également intéressant de noter quelle a été la statistique des marchandises exportées et importées par le port de Cagliari, sur les vapeurs subventionnés par l’État pour la période quinquennale de 1880 à 1875, savoir:
Pendant l’année 1881, la valeur totale des marchandises exportées s’est élevée à la somme de 24.340,011 francs, et les importations à celle de 33.065,542 francs.
On trouvera au chapitre x, § 2, l’évaluation des différentes marchandises qui ont concouru à former les totaux ci-dessus. Répétons-le en terminant, le golfe ou port de Cagliari est splendide, il est très-sûr d’abord, facile par toute espèce de temps, et offrant de grandes ressources pour le ravitaillement; il est seulement regrettable qu’un navire qui vient d’une longue traversée ne puisse ni s’y radouber, ni même s’y nettoyer afin de se mettre un bon état de reprendre la mer.
C’est le cas de constater que si la nature s’est montrée prodigue, l’art s’est montré avare, rien ou presque rien n’ayant été fait pour le port le plus important de la Sardaigne. Viennent ensuite, comme importance, au nord-est, Terranova; au nord, Porto Torres; au sud- ouest, Carloforte, sur l’île San Pietro.
Terranova
Le golfe de ce nom s’ouvre entre l’île Tavolara et le cap. Figari c’est le seul point où la côte orientale sarde, sur un développement de cent vingt et plus de milles, puisse offrir aux navires un abri sûr et d’accès facile.
La grande échancrure du côté nord dite golfe dei Aranci est considérée comme un mouillage excellent, et a été un de ceux de prédilection du grand amiral Nelson, quand il parcourait la Méditerranée avec ses escadres.
Le port proprement dit est situé au fond du golfe; mis en communication avec Cagliari et Porto Torres par le chemin de fer, il est destiné à devenir le rendez-vous de tous les navires qui font le commerce entre la Sardaigne et le continent, parce qu’étant le plus rapproché de l’Italie, les lignes ferrées y attireront le service des passagers et des marchandises; mais par malheur il a été ensablé par les détritus sablonneux charriés par le torrent Padrongianus, qui empêchent les bâtiments d’approcher de la ville.
Depuis longtemps on réclamait l’exécution. de travaux qui eussent déblayé le canal servant d’entrée au port et désensablé celui-ci assez profondément pour permettre aux navires d’arriver à quai. Deux projets étaient en présence: l’un consistant à abandonner le vieux port et se servir du golfe degli Aranci pour la création d’un magnifique port neuf, à l’abri de tout ensablement pour l’avenir.
On faisait valoir à l’appui de ce projet que si une ville nouvelle venait à surgir autour du nouveau port, elle serait à l’abri de l’influence délétère de la mal’aria, dont l’actuel village de Terranova n’a pas peu à souffrir. L’autre projet visait l’agrandissement et l’approfondissement du vieux port. Ce dernier prévalut; on ne voulut pas priver de cet avantage une population si fortement éprouvée depuis un temps immémorial.
Les travaux commencèrent, et depuis les résultats obtenus ont en partie réalisé les espérances conçues; mais comme une portion de la dépense grève les finances municipales de ce village et constitue pour les ressources dont il peut disposer une charge de beaucoup supérieure aux forces disponibles, il y a à craindre des conséquences très-fâcheuses pour l’achèvement de ces travaux, qui auraient dû pourtant être considérés comme d’intérêt général et exécutés au moyen de crédits imputables sur le budget de l’État.
Le mouvement de navigation de ce port est dû, à l’exception de celui qui s’effectue par les vapeurs postaux, à l’exportation des charbons de bois, à celle des sucres et des écorces qui proviennent de travaux importants dans les forêts voisines de la Gallura le tableau suivant, tiré des statistiques officielles, donne les chiffres de ce mouvement pour l’année 1875:
NAVIGATION INTERNATIONALE AU LONG COURS ET AU CABOTAGE; ARRIVEES ET DEPARTS
905 navires jaugeant ensemble 145,722 tonnes et se subdivisant, pour la navigation internationale, en 108 navires à voiles, représentant 16,445 tonnes, et au cabotage 800 navires à voiles pour 129,277 tonnes.
PORTO TORRES. Situé au fond du golfe de l’Asinara et relié à Sassari par le chemin de fer, ce port est celui qui sert plus particulièrement à l’exportation des produits de la partie nord de l’île, et dont le nolis est le plus avantageux pour tout ce qui de l’île va sur le continent, ou vice versa, par une voie autre que celle de l’Italie. En ce qui touche le mouvement commercial des marchandises, nous ajouterons que, soit pour les importations comme pour les exportations, c’est encore le port le plus important après Cagliari. Il résulte en effet de la statistique officielle, d’où nous avons extrait les chiffres de ce dernier port, que pour les années écoulées, de 1871 à 1875, ce mouvement a donné lieu pour Porto Torres aux chiffres suivants:
On peut donc affirmer que le commerce de marchandises. qui s’effectue au moyen des bateaux à vapeur postaux se concentre, principalement pour le sud, à Cagliari, et pour le nord, à Porto Torres. Une ligne de vapeurs fait toutes les semaines un voyage pour Marseille en touchant à Ajaccio, et viceversa.
CARLO FORTE. La ville de Carlo Forte, chef-lieu de l’île de San Pietro, a donné son nom à une assez grande étendue de mer comprise entre l’île ci-dessus, celle de San Antioco et la côte sud- ouest de la Sardaigne, formant la rade si connue des navigateurs qui fréquentent le golfe de Lyon, car c’est le seul abri qu’ils puissent aller chercher avec leurs navires quand ils sont assaillis par quelque coup violent de mistral.
Cette rade sert de port commercial au district minier si important d’Iglesias, et la presque totalité des produits de cet arrondissement est embarquée sur les bâtiments qui fréquentent en grand nombre ce mouillage.
L’exportation comprend, en outre d’une quantité considérable en tonnes de minerai, comme nous le verrons plus tard, les produits des pêcheries et de la saline, mais les renseignements statistiques nous font défaut, et, à notre grand regret, il ne nous est pas possible de donner, même approximativement, le tonnage du mouvement commercial; toutefois nous pouvons constater que, pendant l’année 1881, la valeur des produits. exportés s’est élevée à la somme de 9,445,230 francs. On trouvera au chapitre x, § 2, de quelle façon ce chiffre se décompose. Les autres ports, dont les noms ont été déjà mentionnés, ont une moindre importance. Ce sont, sur la côte orientale, en remontant du sud au nord:
MURAVERA, qui n’est pas, à proprement parler, un port, mais une plage, même assez inhospitalière pendant les mauvais temps du nord au sud par l’est. On y embarque les minerais d’argent provenant des mines du district evironnant, dénommés le sarrabus. En 1875, ont touché à Muravera 20 navires au long cours, jaugeant 5,559 tonnes, et 92 caboteurs, représentant 2.421 tonnes.
TORTOLI, le port le plus important que l’on rencontre sur cette côte depuis Cagliari jusqu’à Terranova. Il sert de débouché à la région de l’Ogliastra, dont le chef-lieu est Lanusei, et qui est riche surtout en produits vinicoles.
Pendant l’année que nous avons prise pour base du mouvement de différents ports, nous voyons aborder: 540 navires, jaugeant en totalité 90,736 tonnes, dont II d’une jauge de 1.590 tonnes pour la navigation au long cours, et le reste pour le cabotage.
OROSEI, qui est une plage ouverte devant laquelle on mouille; 110 navires, jaugeant ensemble 5,072 tonnes, y ont jeté l’ancre pendant l’année, dont 3 pour le long cours, représentaient un tonnage de 238 tonnes, et le reste a servi de nolis au cabotage. Par les grands vents d’est, le mouillage n’est pas tenable, et les bateaux qui y viennent charger du vin sont alors tirés à terre. Et finalement:
SINISCOLA, qui se trouve à peu près dans les mêmes conditions que les ports précédents pour la sûreté du mouillage. Il n’y existe aucun débarcadère, et un petit bateau fait le service des passagers et des marchandises.
La ville est sise plus à l’intérieur, et les contre-forts du mont Alvo, qui viennent mourir à la mer, en cachent la vue.
Pendant l’année 1875, il y a eu, pour la navigation internationale de long cours,
Sur la côte occidentale, nous trouvons encore trois ports pour lesquels nous regrettons de ne pouvoir fournir que des détails très- sommaires; ces trois ports, en descendant du nord au sud, sont:
ALGHERO, Fréquenté par d’assez gros navires à voiles, qui y chargent entre autres les minerais du cap della Nurra, ayant à proximité Porto Conte, un des mouillages les plus sûrs, non seulement de l’île, mais de l’Italie entière.
BOSA. Pour les travaux de ce port, la province et la commune avaient dépensé, avant 1875, une somme de plus de huit cent mille francs afin de l’améliorer.
Et enfin ORISTANO. C’est le golfe de ce nom qui sert de port, et comme il est grandement ouvert aux vents d’ouest, c’est dans la rade de la Frasca qu’a lieu le mouillage.
Nous aurions à mentionner encore, tout à fait au nord de l’ile, Santa Teresa de Gallura et Castelsardo, puis au sud-ouest le vaste golfe de Palmas, l’ancien Sulcitanus Sinus, et Sant’Antioco; mais ni les uns ni les autres ne présentent, au point de vue commercial, un intérêt bien grand. Le mouvement industriel et commercial de la Sardaigne tout entière a servi de nolis aux navires dont le nombre et le tonnage sont consignés ci-après pour la période quinquennale de 1870 à 1875, tant pour la navigation internationale que pour le cabotage:
Ainsi donc en tenant compte, au lieu du nombre des navires, du tonnage qu’ils représentent, ce qui est une plus sûre indication des transactions survenues, nous voyons que dans la période ci-dessus il y a un progrès constant, et que, en résumé, le trafic a une certaine importance dans cette île.
Inscription maritime. – Nous devons toutefois constater que les populations sardes n’ont pas un goût très-prononcé pour la vie maritime; à en juger par le nombre d’inscriptions aux rôles de la marine marchande pendant la même période quinquennale, nous trouvons en effet que si le mouvement, dans la navigation en Sardaigne, a été de 1/20 de la moyenne totale de celui de l’Italie, les inscrits maritimes n’ont pas dépassé de beaucoup le cinquantième du nombre des inscriptions dans la totalité des circonscriptions maritimes du royaume. Voici les chiffres officiels:
Quoique la proportion aille un peu en augmentant, nous sommes loin en arrière, si nous voulions la comparer à celle d’une autre île voisine et de même nationalité, la Sicile, dont le développement des côtes est à peu près égal. Dans celle- ci, en effet, le nombre des inscrits maritimes était en 1875 de 47, 127 pour les cinq circonscriptions de Messine, Catane, Port Empedocle, Trapani et Palerme, c’est-à-dire plus du décuple, alors que le mouvement de la navigation commerciale sicilienne est en tonnes tout au plus le double de la sarde; et notez que la grande majorité des inscrits sardes appartiennent aux deux îles de la Maddalena et de San Pietro, et quelques- uns seulement aux ports de Cagliari, d’Alghero et de Porto Torres.
Les savants n’ont pas manqué de rechercher quelles ont pu être les raisons de ce manque de goût pour les émotions, les hasards et les dangers de la vie sur mer, qui paraissent pourtant si naturels à des gens qui sont nés et vivent sur une île, et l’on a attribué ces raisons aux vicissitudes politiques par lesquelles la Sardaigne est passée. Obligée de combattre tous les peuples qui venaient l’envahir, et ils ont été nombreux, le plus souvent battue, la population était forcée de se retirer dans des forêts inextricables; pour conserver ses sentiments d’indépendance, elle s’est toujours montrée guerrière et indomptée, mais jamais commerçante, et, depuis les anciens temps, les traditions maritimes lui ont toujours fait défaut.
Et quoique les conditions politiques soient aujourd’hui profondément modifiées, le Sarde ne se prête que très difficilement à en subir les effets, étant donné les habitudes, le caractère et les mœurs qu’il a su conserver intacts pendant tant de siècles, malgré les changements que la marche de la civilisation a apportés en toutes choses.
Bien d’autres raisons ont été produites, mais notre rôle doit se borner à signaler les faits avec exactitude et sans parti pris, et c’est précisément le devoir auquel nous croyons obéir en limitant nos observations à l’exposé que nous venons de faire.
Lignes de vapeurs. – La Sardaigne est mise en relation avec le continent, et les ports, depuis Cagliari jusqu’à Porto Torres par la côte de l’est, sont reliés entre eux au moyen de lignes de vapeurs qui, pour la plupart, font le service de la poste et sont subventionnés. Une convention intervenue entre l’État et la société Rubattino et Florio, en 1877, stipule pour ce service maritime les lignes ci-après:
- Un voyage par semaine entre Livourne et Cagliari, se prolongeant jusqu’à Tunis.
- Un voyage par semaine entre Livourne et Cagliari, mais touchant à Civitavecchia, Terranova et Tortolì.
- Un voyage par semaine entre Livourne et Cagliari, en relâchant seulement à Civitavecchia.
- Un voyage par semaine entre Cagliari et Naples.
- Un voyage par semaine entre Cagliari et Palerme.
- Un voyage par semaine entre Cagliari et Porto Torres, avec escales à Muravera, Tortolì, Orosei, Siniscola, Terranova, la Maddalena et Santa Teresa de Gallura.
- Un voyage par semaine entre Livourne et Porto Torres.
- Un voyage par semaine entre Livourne et Porto Torres, en touchant à Bastia et à la Maddalena.
- Un voyage par semaine entre Livourne et Porto Torres, avec escales à Civitavecchia et La Maddalena. Aux termes de cette convention, la société devait prolonger en outre, sans subvention et hebdomadairement, de Livourne à Gênes, trois traversées partant de Sardaigne, une du cap nord (Sassari), deux du cap sud (Cagliari), et de plus aller une fois par semaine de Gênes à Marseille. Il a été en outre prévu qu’en cas de suppression de départ, ceux-ci devraient porter:
1° sur les lignes B et C, qui pourraient être réduites de deux voyages par an, entre Livourne et Cagliari;
2° sur celles G H et I, entre Livourne et Porto Torres, qui pourraient être diminuées de trois voyages annuels, et sur la ligne F pour le cabotage le long de la côte orientale; mais ces suppressions doivent être remplacées par autant de trajets en plus entre Civitavecchia et Terranova, afin de faire face aux expéditions que l’ouverture du chemin de fer aboutissant à ce port rendrait nécessaires.
Le transport des voyageurs et marchandises y a été divisé par classes et frappé des droits prévus par des tarifs.
Le matériel devait se composer de:
La création d’agences aux lieux d’embarquement fut rendue obligatoire, et le voyageur autorisé à déposer et retirer pour les localités où des ports existent, tout colis ne dépassant pas le poids de 40 kilos. On trouvera dans l’état ci-après tous les renseignements se rapportant à ces services.
Il a paru étrange que dans la convention de 1877, le gouvernement n’ait pas imposé à la société concessionnaire un service postal pour desservir la côte occidentale de l’île, qui, outre qu’elle présentait un abord plus facile et des ports ou golfes plus sûrs, donnait lieu à un commerce très-actif pour l’expédition des minerais, du sel, du corail, du poisson et des produits agricoles, et de beaucoup plus important que celui qui se pratique sur la côte orientale. Dans les discussions qui eurent lieu lors du vote de la loi de 1877 qui sanctionnait cette convention, il fut dit que des raisons financières s’opposaient à ce qu’il fût donné satisfaction aux vœux exprimés par les populations de cette partie de l’île, mais que lorsque les conditions budgétaires le permettraient, il serait pourvu convenablement aux services maritimes de la côte occidentale de la Sardaigne.