GOLFO ARANCI

par Alberto La Marmora

Itinéraire de l’Ile de Sardaigne

 Turin 1860

Chez les Frères Bocca, Libraires du Roi

en italien: 

Coll. pistes à Golfo Aranci (sur facebook)
Lorsqu’on sort de Terranova par la voie de terre, vers le NE, on parcourt pendant un certain temps le bord septentrional du port, et l’on finit par arriver au pied d’une petite chaîne isolée, formée de monticules granitiques dirigés à peu près dans le sens NNE-SSO, dont la base est baignée vers l’est par la mer. Cette petite chaîne finit tout à coup en une plaine faite en guise d’isthme étroit, d’où s’élève, toujours vers l’est, une grande montagne qui constitue le promontoire et le cap Figari.

C’est dans le coude formé en ce point par la côte que se trouve le grand golfe dit degli Aranci (des oranges). Ce golfe se développe au sud en demi-cercle jusqu’au Capo Ceraso, derrière lequel s’élève majestueusement dans la mer l’imposant rocher de Tavolara, en guise de môle naturel qui sert à protéger de ce côté le golfe contre la grosse mer. Le mouillage le plus fréquenté et le plus sûr de ce vaste golfe se trouve derrière l’îlot de Figarotto, séparé du promontoire de Figari par un canal étroit mais fort profond.

par Google Earth
par Salvatore Zizi
Au point le plus élevé de ce promontoire j’ai fait plus d’une opération trigonométrique, sur les ruines d’un signal construit en 1792 pour le même but par feu le colonel Tranchot. Ce savant ingénieur-géographe Français avait posé les premières bases de la triangulation de l’île de Corse, et il avait étendu ses réseaux sur quelques points marquants de la Sardaigne septentrionale, dont le cap de Figari faisait partie. Les débris de son signal, que je retrouvai en 1836, étaient encore connus par les gens du pays sous le nom de Turrione de lu Francese (petite tour du Français).
par Salvatore Zizi
Tout ce promontoire, dont on trouvera une vue, des coupes et une description géologique complète dans la troisième partie de ce Voyage, est formé d’une roche calcaire d’un blanc un peu jaunâtre, appartenant à la classe des terrains crétacés. Au pied de la cime, vers le sud-ovest, se trouve une petite baie dite Cala Moresca, probablement parce qu’elle fut jadis fréquentée par les Maures; elle est excellente pour les petits batiments; quant aux grands navires, ils doivent mouiller un peu plus loin. Ce port naturel peut, au reste, abriter des flottes entières; de l’autre côté de l’isthme vers le nord on rencontre une autre baie dite la Marinella.
Luca Farneti - Cala Moresca et Figarolo
FZA_1970 - Cala Moresca (devant Figarolo, à gauche Tavolara)
Mauro Leoncini - Golfo Aranci à gauche et La Marinella à droite
Le refuge assure que dans les mauvais temps tous les bâtiments peuvent trouver dans le golfe degli Aranci, sa forme, son ampleur, la bonne qualité de son fond et sa position au bout d’une grande vallée qui pénètre dans le cœur de l’île, ont naturellement dû fixer sur ce port l’attention du Gouvernement. […]

Je me bornerai à dire ici que l’établissement d’une population dans le golfe degli Aranci est indispensable; car on ne trouve que deux ou trois maison nettes de bergers dans ce lieu, continuellement visité par les bâtiments.

D’ailleurs c’est le seul grand port de toute la côte orientale de Sardaigne que l’on rencontre depuis Cagliari jusqu’au canal de Bonifacio, et où tous les vaisseaux qui naviguent dans la mer Tyrrhénienne, entre l’Italie et la Sardaigne, puissent à l’occasion trouver un refuge.

par Sascha Fiori
J’ai également démontré que le golfe degli Aranci par sa position géographique, est placé de manière qu’un bateau à vapeur postal pourrait faire à lui seul le service de la correspondance de l’île avec le Continent. En partant en plein jour de Gènes, il arriverait aussi de jour aux Aranci, où il déposerait les plis, les passagers et les marchandises destinés à la Sardaigne septentrionale. De cette manière (la chose prise en général), ces bateaux à vapeur arriveraient à leur destination bien plus promptement que cela n’a lieu au moyen du service actuel; on éviterait la traversée souvent difficile du Canal de Bonifacio, ainsi que l’arrivée et le séjour forcé à Porto-Torres, toujours funestes aux équipages et souvent aux passagers.

En faisant au contraire la course que je propose, après déposé agli Aranci tout ce qui serait destiné pour la Sardaigne septentrionale, le même bâtiment poursuivrait sa route du nord au sud vers Cagliari, avec les plis, les marchandises et les passagers destinés à la Sardaigne méridionale. A son retour vers Gènes, ce bateau à vapeur ferait le même voyage en sens inverse; mais dans toutes ces courses il ne suivrait jamais qu’une seule route, qui est toujours la plus facile; car lorsque l’on part de Gênes, la principale difficulté est celle de doubler le Capo Corso, et une fois qu’on l’a dépassé et que l’on se trouve, comme les marins disent, in canale (dans le canal), le reste du voyage est à peu près assuré, soit sous le rapport de la sécurité, soit sous celui du temps prescrit; le bâtiment arriverait presque toujours à sa station à point nommé.

Mais il n’en pourra jamais être ainsi pour celui qui fait les voyages à Porto-Torres; car à moins qu’il n’aille passer par l’ouest de la Corse, ce qui présente plus d’une difficulté, il devra toujours traverser en long et de front les Bouches de Bonifacio soit en allant soit en revenant; et cette navigation est presque toujours pénible, irrégulière et souvent dangereuse.

coll. Binari à Golfo Aranci (facebook)

SOURCES D’ILLUSTRATIONS

Cartes postales et photos, fin du 19ème / début du 20ème siècle

coll. Binari a Golfo Aranci – Facebook

Photos contemporaines

google earth; Salvatore Zizi – Flickr, Luca Farneti – Flickr, FZA1970 – Flickr, Mauro Leoncini – Flickr, Sascha Fiori – Flickr

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